Martine Berthet préside la deuxième édition des « Assises Sens et Travail » organisée par Jacques Marceau et Aromates sur le thème 2023: Valeurs partagées et partage de la valeur.

Retrouvez ci-après le discours d’introduction de Martine Berthet à la deuxième édition des « Assises Sens et Travail » :

« Mesdames, Messieurs,

Je tiens tout d’abord à vous partager le très grand plaisir, que j’ai de vous retrouver pour présider cette deuxième édition des Assises Sens & Travail et poursuivre ainsi ce que nous avions entrepris l’année dernière. Je tiens à renouveler mes remerciements à M. Jacques Marceau ainsi qu’à tous les partenaires de cet évènement qui nous permettent d’avoir, ce temps précieux de réflexion collective sur un sujet qui s’est imposé comme un des grands questionnements économiques de notre période post crise sanitaire.

De ma fenêtre de parlementaire, grande ouverte sur la société et la réalité de nos territoires, si vous me permettez la métaphore, l’année 2023 a été rythmée par plusieurs textes successifs, qui nous ont amené à nous positionner sur le sujet global du travail. Je pense bien sûr à la réforme des retraites au début de l’année, ou encore au PJL plein emploi durant l’été, avec des mesures visant à rapprocher les allocataires du RSA du marché de l’emploi, et donc tous les débats autour de la valeur travail, que sous entendaient de telles mesures. Cette semaine encore, nous examinions en séance publique au Sénat le Projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel, relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise. Cette matinée d’échange est donc au cœur de notre actualité parlementaire !

Ceci étant dit, et je pense que le dernier texte que j’ai évoqué l’illustre bien : sur le sujet qui nous réunit aujourd’hui « valeurs partagées et partage de la valeur », le monde politique n’est qu’une composante dans un rôle d’accompagnement et de régulation des dynamiques, que l’on observe dans nos entreprises et chez leurs salariés. Ainsi en préambule de nos débats, je voulais partager une conviction simple : les questions du sens au travail trouvent d’abord leurs réponses dans la vie des entreprises et d’un point de vue plus institutionnel, dans le dialogue entre les représentants des salariés et ceux des entreprises. Ainsi sur le texte « partage de la valeur », que j’évoquais précédemment, la ligne de conduite de la majorité sénatoriale a été de rester au plus près de l’accord trouvé.

C’est dans cette continuité que je me réjouis d’être parmi vous, pour m’enrichir de vos expertises diverses d’universitaires, d’acteurs économiques du quotidien, de sondeurs et biens d’autres.

Il n’en demeure pas moins, que compte tenu de l’importance du travail dans notre modèle de société, et des débats qu’il suscite, il est important que le monde politique s’en saisisse.

Veuillez m’excuser de repartir d’une évidence, mais je pense qu’elle rejoindra de manière directe nos réflexions matinales : le travail tant à l’échelle individuelle que de l’Etat, est un outil de production de richesse, au niveau de l’individu à travers le salaire qu’il en tire, au niveau de l’Etat à travers les prélèvements qu’il opère. En réalité, l’importance prépondérante de ce facteur est selon moi une caractéristique qui, si par sa régularité en fait un sujet moins mis en avant dans l’espace médiatique, reste un point de repère important, pour ancrer les débats et pour le travail du législateur. Ainsi dans une enquête de février 2023, je note que « gagner de l’argent » était la première motivation des travailleurs ex aequo, avec le fait d’ « être en contact avec d’autres personnes ». La réalité de devoir faire face à ses engagements financiers dans la vie de tous les jours, et plus encore en cette période d’inflation, nous rattrape très vite !

Au niveau de l’Etat, selon la commission européenne, les prélèvements sur le travail[1], représentent en France 22,9% du PIB. De plus, selon une récente étude de l’OCDE, le taux de taxation sur les salaires, au niveau du salaire moyen français est de 44%. Dans le contexte de déficit massif dans lequel nous sommes, et face aux défis majeurs que nous devons relever, adaptation au réchauffement climatique notamment, c’est une dimension certes matérialiste, mais qu’il me semble tout de même difficile d’ignorer.

Ainsi, l’importance de cette dimension matérialiste que je viens de décrire constitue-t-elle, en soi, une valeur partagée du travail ? Et dans quelle mesure la quête de sens actuelle, que certains entendent justement en opposition à cette dimension, remet-elle en cause cette représentation, que je qualifierais avec des guillemets de « plus traditionnelle » ? Beaucoup de questions, quelques bouts de réponses et une réflexion que nous poursuivrons ensemble dans quelques instants.

Car en effet, si j’attaquais mon propos introductif sur le rôle d’accompagnateur et de régulateur du parlementaire, il me semble qu’être au plus près des réalités et des évolutions que nous connaissons, est une dimension indispensable à notre action. Or, prétendre à une compréhension fine d’un sujet aussi foisonnant que le sens au travail et le partage de la valeur, qui je le répète se matérialise d’abord au sein des entreprises, nécessite pour le législateur un important travail  afin de distinguer au mieux ce qui relève du mythe et de la réalité (je pense aux sujets de l’engagement des jeunes ou de la grande démission par exemple), de ce qui relève de tendances de fond ou d’autres plus conjoncturelles comme le rééquilibrage du marché de l’emploi en faveur des salariés, dans un contexte de pénuries de compétence et d’un chômage relativement bas.

C’est au Sénat, en tant que membre de la délégation aux entreprises pendant six ans, sa vice-présidente ces trois dernières années, que j’ai pu justement et plus particulièrement travailler sur les sujets qui nous occupent aujourd’hui, au fil de plusieurs rapports, à appréhender ces débats qui ne sauraient, je le pense, se résoudre uniquement au sujet salarial que je venais d’évoquer.

J’ai ainsi été co-rapporteur en 2021 d’une mission d’information sur les nouveaux modes de travail et de management, avec notamment l’essor du télétravail, de la microentreprise ou des tiers-lieux. L’année dernière, aux côtés de deux collègues sénateurs, j’ai travaillé sur la RSE et réfléchit à comment transformer cette ambition de responsabilité sociétale en un atout pour chaque entreprise, tout en l’adaptant aux différents secteurs et tailles d’entreprises. En effet, si ce n’est pas la RSE qui peut faire vivre une entreprise et payer ses salariés, c’est un facteur clef de résilience, d’attractivité et l’objet d’une bataille politique normative centrale pour justement faire valoir à l’international, à travers les normes extra-financières, les valeurs que nous voulons défendre en tant que Français et européen.  Enfin, plus récemment, sur le sujet plus large de l’emploi, j’ai étudié les enjeux liés aux compétences, à la formation et à l’attractivité des métiers, dans un contexte de pénurie de main d’œuvre, pour de très nombreux secteurs d’activité.

Accompagner l’évolution des emplois et redonner de l’attractivité aux métiers demande de façon impérative de « ré-enchanter » le travail par la promotion de nouveaux modes d’organisation, par l’accompagnant des efforts en faveur de la qualité de vie au travail, le développement et la simplification du partage de la valeur au sein des entreprises, notamment des TPE/PME. Nous avons formulé un certain nombre de propositions en ce sens.

Vous l’aurez compris, en tant qu’ancienne chef d’entreprise, sénatrice engagée sur ces problématiques depuis de nombreuses années, c’est avec beaucoup d’intérêt que je vais participer à cette matinée d’échanges, qui viendra apporter des réponses à nos questionnements sur les valeurs, les représentations du travail, le partage des richesses et nourrir, je le sais, mon action parlementaire.

Je vous remercie. »