Martine Berthet cosigne une tribune « Pour un partage de la compétitivité nucléaire avec l’industrie. »

 Tribune « Pour un partage de la compétitivité nucléaire avec l’industrie. »

A combien s’élève le coût d’un mégawattheure d’électricité nucléaire ? C’est à cet exercice que la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) s’est attelée, à la demande du Gouvernement, pour éclairer les réflexions sur le cadre de l’approvisionnement en électricité des ménages et des entreprises après l’extinction de l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire). Le 31 décembre 2025, en effet, les consommateurs ne pourront plus bénéficier d’une électricité cédée aux concurrents d’EDF à prix coûtant, mécanisme qui a efficacement protégé l’industrie française des fluctuations de prix, alors que ces derniers atteignaient des niveaux historiquement hauts sur les marchés de l’énergie.

Les principales conclusions du rapport de la CRE viennent d’être rendues publiques : le coût complet d’un mégawatt/heure (MWh) d’électricité nucléaire sous la forme d’une puissance électrique souscrite constante tout au long de l’année, précisément comme le fait un consommateur industriel très électro-intensif, se situerait à 56,7€ du MWh pour la période 2026-2030, avant d’atteindre 53,2€ en 2036-2040.

Élus de territoires fortement structurés par des industries très consommatrices d’électricité, nous nous réjouissons que l’énergie nucléaire continue d’offrir à la France la compétitivité nécessaire à sa réindustrialisation et à la décarbonation de son industrie. Pour les seules activités d’électro-métallurgie (aluminium, silicium, manganèse) et d’électro-chimie (chlore), il en va de la pérennité de 10.000 emplois directs et de 50.000 emplois indirects, mais également d’un approvisionnement souverain et de proximité de secteurs stratégiques tels que l’automobile et l’aéronautique.

En cela, il faut que chacun comprenne qu’il est bien naturel que la France continue de toucher les dividendes de son investissement dans l’équipement hydroélectrique des années 1950 et dans l’équipement électronucléaire des années 1970-1980. De nombreux barrages de nos vallées, comme celui de Bissorte ou celui du Chambon, ont été érigés initialement par les industries locales pour leurs propres besoins. Pour le nucléaire, n’oublions pas la décision politique de lancer une grande usine d’aluminium, en novembre 1988, pour profiter des surcapacités de réacteurs initialement prévus pour l’Iran avant la chute du shah. Aussi existe-t-il un lien symbiotique entre industries et production d’électricité : la demande des industries a justifié le développement de capacités de production électrique, qui ont favorisé en retour le développement industriel de la France grâce à l’abondance d’une électricité abordable. N’oublions jamais ces liens profonds qui unissent nos barrages, nos centrales, nos industries et nos territoires. Car, depuis toujours, ils ont un sens : celui de l’emploi, de notre prospérité et de notre indépendance économique.

Nous avons laissé l’attractivité de la France se dégrader depuis 2015, avec la fin des tarifs d’électricité réglementés et des contrats historiques liés, alors que notre industrie est confrontée à une inévitable concurrence internationale. Des concurrents de nos industries ont accès à une électricité à 15,5€/MWh au Canada, 23€ au Moyen-Orient et 32€ aux Etats-Unis, avec une garantie de stabilité des prix sur le long terme. Les industries françaises manquent de visibilité et attendent, depuis 8 ans, que des conditions de contractualisation viables sur le long terme soient mises en place.

Notre espérons aujourd’hui voir les énergéticiens et acteurs industriels concernés nouer, comme ils le firent par le passé, des relations vertueuses et aboutir rapidement des contrats profitables à toutes les parties. Les énergéticiens ont besoin de clients solides, caractérisés par des consommations importantes, prévisibles et constantes tout au long de l’année, pour optimiser l’utilisation de l’outil nucléaire. De même, il est aujourd’hui vital d’offrir visibilité et sécurité aux acteurs de notre indépendance industrielle. Alors que la part de l’industrie dans la richesse produite en France reste trop faible, il est temps de retrouver le sens de l’intérêt général.