QAG du 19/03/2025
Mme Martine Berthet, Sénatrice de la Savoie :
Monsieur le Ministre,
Je reviens vers vous aujourd’hui au sein de cet hémicycle, comme j’ai pu le faire à plusieurs reprises avec vos prédécesseurs, sur le coût de l’électricité pour les industriels hyper électro intensifs, car la situation, loin de s’arranger, se dégrade.
Le manque de visibilité, auquel s’ajoute une situation politique instable, des droits de douane aux frontières, les incite à désengager leurs investissements programmés en France. C’est une réalité, comme pour cet industriel hyper électro-intensif de mon département, ayant son siège au Japon. Je pense que vous avez l’information.
De façon générale, les représentants des électro et hyper électro-intensifs ainsi que du consortium Exeltium, me font part plus encore que dans le passé de leurs inquiétudes, la fin de l’ARENH étant toute proche.
Si certains ont pu récemment entamer avec EDF des discussions qui semblaient plus sérieuses, ils attendent toujours la proposition d’un tarif pour un contrat qui ne serait pas signé avant l’été. D’autres, en revanche, continuent à se voir proposer des contrats irréalistes, ne permettant aucune compétitivité, nécessitant des avances en tête exorbitantes et offrant des volumes insuffisants.
Sur le plan de notre souveraineté, je rappelle que ces productions sont des matières premières pour toutes nos filières industrielles.
Aussi, comment se fait-il Monsieur le ministre, alors que l’État est actionnaire à 100 % d’EDF, que le gouvernement n’arrive pas à imposer de préserver une partie – 10 % de la production nucléaire historique, donc amortie – pour soutenir et mettre au même niveau que leurs concurrents internationaux ces HEI ?
Un cadre tarifaire, compétitif et stable, bénéficierait à la fois aux industriels pour une vision long-terme de leur développement, leurs investissements de modernisation et décarbonation, mais aussi à EDF qui sécuriserait un volume de consommation non négligeable.
Monsieur le ministre, le gouvernement ne peut pas laisser EDF fragiliser ces filières, notre souveraineté et les emplois qui vont avec, même si nous avons tous conscience de son propre et nécessaire équilibre économique, alors que comptez-vous faire ?
M. Marc Ferracci, ministre de l’Industrie et de l’Energie:
Madame la sénatrice Berthet, permettez-moi de vous remercier de votre question. Je connais votre engagement en faveur de notre industrie hyper électro-intensive ; nous avons d’ailleurs déjà discuté de ces questions, que ce soit au ministère ou dans cet hémicycle.
Vous le soulignez avec raison, les prix de l’électricité sont un élément absolument essentiel de notre souveraineté énergétique et industrielle.
Les industriels électro-intensifs – je pense notamment aux filières de l’acier et de la chimie – font face à des enjeux de décarbonation impliquant un effort d’électrification. De plus – vous l’avez rappelé -, ils sont à la base de filières entières. Je pense en particulier à nos industries de défense.
C’est la raison pour laquelle l’État et EDF ont signé en novembre 2023 un accord fixant un nouveau cadre, censé prendre la suite de l’Arenh au 1er janvier 2026.
En vertu de cet accord, EDF et les industriels électro-intensifs doivent conclure des contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN), contrats à terme assortis d’une cible globale de 40 térawattheures.
Il y a quelques jours, j’ai demandé à la présidence d’EDF de me fournir un bilan de ces négociations, et je dois bien admettre que l’objectif de 40 térawattheures est très loin d’être atteint. (Mme Martine Berthet le confirme.) À ce jour, on ne peut compter que sur 12 térawattheures, lesquels ne font d’ailleurs l’objet que de simples lettres d’intention, et un seul CAPN a été signé, pour un volume modeste, représentant moins de 1 % de l’objectif total.
Dans une tribune publiée hier, un certain nombre de parlementaires m’interpellent en outre quant au lancement, par EDF, d’une enchère européenne qui n’est pas réservée aux industriels électro-intensifs. Cette enchère, ouverte à tous les acteurs, porte précisément sur les CAPN.
La démarche relève de la politique commerciale d’EDF et je n’ai pas à la commenter. J’observe néanmoins qu’elle n’exonère en rien EDF de l’accord de novembre 2023.
Les engagements pris au titre de cette politique commerciale sont absolument nécessaires à notre souveraineté, et le Gouvernement fera en sorte qu’ils soient respectés.