Risques liés au projet de carrière à Anglefort

Question écrite n° 02298 de Mme Martine Berthet (Savoie – Les Républicains)

Publiée dans le JO Sénat du 30/11/2017

Mme Martine Berthet attire l’attention de M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire sur le projet de réouverture d’une carrière à ciel ouvert sur la commune d’Anglefort, en Savoie, dans le territoire naturel et préservé de la Chautagne. La mairie d’Anglefort (Ain) a approuvé le projet qui doit voir le jour sur sa commune, et l’enquête publique a rendu un avis favorable, le 13 février 2017. Pour autant, l’ouverture de cette carrière aura un impact particulièrement lourd de conséquences sur les populations alentours et rendra invivable le quotidien de milliers d’habitants. Les travaux sont, en effet, autorisés pour 30 ans et il est prévu d’acheminer par camion entre 200 et 300 000 tonnes de granulats par an, ce qui modifiera complètement la physionomie de ce territoire qui compte de nombreux milieux naturels protégés, dont la zone humide de Chautagne, d’intérêt national. Le document de demande d’autorisation précise « que les matériaux seront exploités toute l’année. L’activité fonctionnera sur cette période du lundi au vendredi de 7h00 à 18h00 ». Si ce projet voit le jour, ce seront ainsi plusieurs milliers de camions qui circuleront toute l’année sur tous les axes routiers le long du Rhône et du lac du Bourget, soit une centaine par jour pour transporter leur production… en Haute-Savoie et en Suisse, sans que cela ne soit créateur d’emplois dans le secteur. Le bruit, les poussières, la pollution, l’augmentation significative du trafic de camions auront des conséquences directes sur la santé et la sécurité des personnes, mais de plus, les tirs de mines, le concassage, l’acheminement des matériaux et le retour des matières inertes par camions risquent d’impacter directement le lac du Bourget et les marais de Chautagne à proximité, zone humide protégée par la convention de Ramsar. Dans la cadre du trafic concernant la Savoie, estimé à 25 %, le commissaire enquêteur précise, p. 27 de son rapport, qu’il se fera « par les RD 992, 904 et 911, via Ruffieux vers Aix-les-Bains », et indique : « Nous n’envisageons absolument pas d’utiliser la RD 911 desservant la Chautagne, conscients d’en préserver les attraits touristiques, écologiques et œnologiques, attachés à ce patrimoine ». Contrairement à ses affirmations, les camions circuleront bien sur la RD 991 que l’on emprunte dans tous les cas pour parcourir l’itinéraire prévu (la 911 n’a rien à voir avec ce secteur). Et en proposant de reporter 25,% du transport sur le sud de la RD 991, il s’agira de traverser près du tiers de vignobles de Chautagne dont les élus et la population souhaitent la préservation. Le nouveau trafic traversera six hameaux de la commune de Chindrieux, dont son bourg-centre, qui accueille l’école, l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les commerces et la majeure partie des services apportés à la population chautagnarde. Ensuite, ces camions emprunteront l’une des plus importantes voies touristiques de Savoie. Ce trafic nouveau engendrerait une augmentation de presque 20 % du trafic des poids lourds, sur une voirie comportant des difficultés (trois passages à niveau, étroitesse dans les tunnels, chutes de blocs), dangereuse (telle que reconnue par les services de l’État, du fait de nombreux accidents de la route et une mortalité élevée), où les automobilistes doivent partager l’espace avec les nombreux deux-roues. Est-il utile de rappeler également les risques de pollution du lac qu’entraîne l’accidentologie liée au passage de poids-lourds le long de cet accès ? La Chautagne, territoire écologique, touristique et viticole, composé de milieux naturels préservés, ne doit pas devenir une immense voie de transit au mépris de sa population. Pour l’ensemble de ces raisons, elle lui demande quelle est son intention envers ce projet de carrière à ciel ouvert.

Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire

Publiée dans le JO Sénat du 18/01/2018

Ce projet de carrière est soumis à la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) sous le régime de l’autorisation et le préfet de l’Ain, autorité administrative en charge de la police des ICPE, a instruit ce dossier selon la procédure réglementaire prévue par le code de l’environnement. Cette procédure prévoit notamment de saisir les collectivités territoriales intéressées par le projet. Sur les huit communes consultées,  cinq ont émis un avis favorable. Le conseil départemental de l’Ain a également été consulté et s’est aussi prononcé en faveur du projet. L’information et la participation du public, conformément aux exigences de l’article 7 de la charte de l’environnement, font également partie de l’instruction. C’est ainsi que le dossier a été soumis à enquête publique du 12 décembre 2016 au 13 janvier 2017. Le commissaire-enquêteur a remis son rapport le 13 février 2017 en émettant un avis favorable. Cependant, des observations supplémentaires sur des aspects sanitaires et environnementaux ont été adressées au préfet de l’Ain au-delà des consultations réglementaires précitées. Le préfet a souhaité prendre en considération l’ensemble des informations qui lui sont parvenues. Il a ainsi demandé à la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) Auvergne-Rhône-Alpes, en charge de l’instruction du dossier, d’analyser les avis recueillis lors des consultations ainsi que les observations qui lui ont été adressées. Dans l’attente de cette analyse, le préfet de l’Ain avait pris un arrêté préfectoral le 26 avril 2017 prolongeant le délai d’instruction de ce dossier. Ce n’est qu’au terme de cette instruction prolongée que le préfet de l’Ain a autorisé, le 15 octobre 2017, l’exploitation de la carrière envisagée, dans le respect des intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement auxquels tout citoyen est attaché. Un arrêté préfectoral encadre ainsi l’exploitation de la carrière et impose notamment que l’évacuation des matériaux effectuée par poids lourds soit organisée selon trois itinéraires afin de répartir le trafic : 40 % vers le nord, 25 % vers le sud via Ruffieux vers Aix-les-Bains, en évitant le chef-lieu de Ruffieux, et 35 % vers le sud, via Culoz. Concernant la limitation des émissions de poussières, l’arrêté préfectoral précise les différentes mesures à mettre en œuvre par l’exploitant, et notamment le nettoyage des voies de circulation et des aires de stationnement, l’enrobage de la piste d’accès à la carrière, de la sortie de la carrière jusqu’à la RD 992, la limitation de la vitesse des poids-lourds et engins de carrières à 20 km/h sur la voirie d’accès à la carrière et les pistes, le lavage des roues des véhicules sortants, ou encore la mise à disposition d’une aire de bâchage pour les véhicules sortants, notamment pour le transport des produits hors enrochement. Enfin le contrôle des niveaux de bruit, de vibrations, de retombées de poussières ou encore de la qualité des rejets aqueux est défini dans l’arrêté préfectoral, et permet de suivre l’impact de l’exploitation sur l’environnement de la carrière.