Mme le président. La parole est à Mme Martine Berthet, auteure de la question n° 1391, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Martine Berthet. Je souhaite attirer l’attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne, situé au coeur de la Maurienne, en Savoie.
Celui-ci assure tout au long de l’année une offre de soins de proximité à la population locale, certes de 40 000 habitants seulement, mais répartie dans une vallée longue de 100 kilomètres, bordée de part et d’autre de nombreux villages de montagne. Il permet en outre une prise en charge des vacanciers victimes d’accidents lors des saisons d’hiver et d’été, avec une traumatologie non programmée en très forte hausse, particulièrement lors des sports d’hiver. Par ailleurs, quatre établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) lui sont rattachés.
Depuis trois ans, la direction de l’établissement et les élus de la vallée demandent que ce centre spécialisé soit classé selon les critères de l’arrêté du 4 mars 2015 comme « activité de soins isolée géographiquement et réalisée par un établissement situé dans une zone de faible densité de population ». Cependant, comme il est situé à quarante-quatre minutes de l’hôpital d’Albertville, dans la vallée voisine, il ne peut pas de bénéficier de ce classement. En effet, le seuil est fixé à quarante-cinq minutes de trajet entre deux hôpitaux. Mais ce temps de trajet a été calculé par GPS en conditions de circulation fluide alors que – nous le savons bien –, en zone de montagne, le temps de trajet peut varier en fonction des conditions climatiques et, surtout, de la fréquentation touristique.
Du fait des besoins relativement faibles de la population hors saison, son équilibre économique est assez fragile. Il nécessite pourtant de nouveaux investissements permettant une meilleure stérilisation des blocs, l’aménagement des cuisines et une rénovation du service de médecine. Ce classement, auquel est favorable l’ARS d’Auvergne-Rhône-Alpes, lui permettrait de bénéficier d’un financement complémentaire des activités de médecine, chirurgie, obstétrique et urgences, et de pouvoir tenir son rôle en termes de besoins sociétaux.
Je me permets de vous rappeler également le contexte actuel et à venir dans cette vallée pour laquelle plusieurs fonds sont mobilisés actuellement par l’État – Territoires d’industrie, chantier du tunnel Lyon-Turin… –, ainsi que l’existence dans cette vallée de plusieurs sites Seveso, plusieurs tunnels routiers et ferroviaires. Des difficultés concernant cet hôpital iraient à l’encontre de ces importants moyens mis en oeuvre par ailleurs.
Aussi, je souhaiterais savoir si vous envisagez d’adapter ponctuellement les critères permettant de bénéficier du statut d’hôpital isolé, comme dans ce cas spécifique de zone de montagne pour le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice, le forfait « activités isolées » a été mis en place en 2015, faisant suite au constat selon lequel une réponse aux difficultés financières d’établissements situés sur des territoires considérés comme isolés était apportée au cas par cas.
Ce dispositif national vise donc à objectiver la notion d’isolement géographique pour assurer un traitement homogène des situations en fonction des régions, selon des critères d’éligibilité multidimensionnels.
Sur la base de ces règles communes, le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne ne remplit pas les conditions d’éligibilité, étant à proximité relative du centre hospitalier d’Albertville et du Médipôle de Savoie. Le niveau d’activité de ces établissements est par ailleurs bien supérieur au seuil des 10 000 patients.
Si, par souci d’équité, il n’est pas possible d’accorder une dérogation spécifique pour le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne, le Gouvernement s’est engagé dans une démarche globale pour soutenir les établissements pouvant être confrontés à des difficultés.
Le Gouvernement a pris des engagements forts pour la sortie du « tout T2A », où toute facturation passait par une tarification à l’activité. L’idée est d’intégrer plus largement la réponse aux besoins de la population et les caractéristiques territoriales dans les modèles de financement en cours de construction. C’est notamment le cas de l’activité des urgences, par la réforme de leur financement.
Par ailleurs, le forfait « activités isolées » a été conçu comme un correctif trop systématique à des modèles de financements basés sur la tarification à l’activité. Force est de constater après plusieurs années que cette disposition ne permet pas de résoudre le principal enjeu de ces établissements, à savoir l’attractivité pour les professionnels.
En outre, une réflexion est actuellement conduite sur une évolution du mode de financement de l’activité d’obstétrique, en lien avec la refonte de l’autorisation d’obstétrique. Les premières réflexions intègrent déjà le cas des maternités réalisant un faible niveau d’activité.
Un bilan du dispositif des « activités isolées » après cinq années d’application pourrait nourrir la réflexion tant dans l’appréciation qualitative de l’accompagnement que dans la pertinence et les limites de critères définis nationalement.
Enfin, et j’y suis particulièrement sensible, les patientes de l’établissement dont le domicile est situé à plus de quarante-cinq minutes pourront être amenées à bénéficier des prestations d’hébergement et de transport dans le cadre de la mesure « engagement maternité ». Les autorités sanitaires ont engagé des modalités opérationnelles pour cette mesure essentielle visant à faciliter l’accès aux soins obstétriques de ces établissements.
Soyez donc assurée, madame la sénatrice, que si l’hôpital de Saint-Jean-de-Maurienne ne répond pas aux critères, le Gouvernement ne laissera pas les habitants à l’année ou de passage saisonnier sans solution.