Question écrite n° 02492 de Mme Martine Berthet (Savoie – Les Républicains)
Publiée dans le JO Sénat du 14/12/2017
Mme Martine Berthet attire l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la désertification médicale et la refonte du découpage des zones fragiles et de vigilance en Auvergne-Rhône-Alpes. Dans le cadre de l’élaboration du projet régional de santé 2012-2017, l’agence régionale de santé Rhône-Alpes et l’agence régionale de santé Auvergne avaient, en effet, procédé à la définition des zones fragiles et des zones de vigilance, et la révision du schéma de zonage pour la région Auvergne-Rhône-Alpes doit intervenir prochainement. Or, ce nouveau schéma de zonage exclurait toute une zone du département de la Savoie – la zone de la Maurienne – de la classification des zones sous-dotées. L’élaboration de ce nouveau zonage, à partir d’indicateurs de mesure (accessibilité potentielle localisée – APL) pour l’accessibilité spatiale aux soins pour le territoire de la Maurienne, ne prend, en effet, pas en compte la population touristique mais comptabilise les médecins de stations ainsi que les collaborateurs dans les calculs, faussant ainsi les résultats, même de façon théorique. Il ne s’inquiète pas non plus de l’éloignement des territoires par rapport aux grands centres urbains alors que l’on sait que les jeunes internes restent volontaires pour venir travailler en milieu rural ou semi-urbain à condition de se situer à moins d’une demi-heure de trajet de ces centres. Par ailleurs, il ne prend pas davantage en compte l’organisation de la permanence de soins actuelle assise sur les besoins d’une population vieillissante mais détermine de nouveaux bassins de vie constitués de manière totalement arbitraire. Enfin, il évacue les problématiques économiques du territoire, parmi lesquelles l’accueil important de personnel dans le cadre du grand chantier Lyon-Turin (plus de 2 000 personnes employées au pic du chantier en 2020). Considérant les enjeux de la catégorie des zones sous-dotées à savoir la reconnaissance des difficultés des territoires à pourvoir une démographie médicale, l’accès à l’installation pour les internes qui ont bénéficié de soutien durant leurs études (CESP), les aides à l’installation des jeunes médecins ainsi que les possibilités offertes pour des médecins retraités à venir compléter les équipes soignantes en place, elle lui demande de bien vouloir prendre en compte l’équilibre territorial pour que les arbitrages à rendre soient adaptés aux nécessités, aux spécificités locales et puissent ainsi lever les inquiétudes des élus du syndicat du pays de Maurienne qui refusent légitimement la dégradation des services de soins de premier recours sur le territoire et demandent le maintien de ce dernier en zone sous-dotée afin que les efforts engagés par les collectivités en partenariat avec les professionnels de santé ne soient pas réduits à néant.
Réponse du Ministère des solidarités et de la santé
Publiée dans le JO Sénat du 15/03/2018
Un important travail de refonte de la méthodologie a été engagé pour permettre aux agences régionales de santé (ARS) de mieux identifier les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante, ou par des difficultés dans l’accès aux soins, où sont mobilisées les aides à l’installation et au maintien des médecins. Cette révision était nécessaire pour être au plus près de la réalité des territoires. La nouvelle méthodologie, fruit d’une large concertation, a été traduite dans un arrêté du 13 novembre 2017. Elle établit une définition harmonisée et prospective de la fragilité, partagée avec tous les acteurs de la santé. L’indicateur socle pour la détermination de ces zones est l’indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL) à un médecin. Il s’exprime en nombre de consultations accessibles par an par habitant et vise à mesurer l’offre médicale disponible sur un territoire pour répondre à un enjeu d’accès territorial à un médecin. Indicateur composite, il prend en compte à ce titre les médecins généralistes présents sur le territoire, l’activité de chaque praticien, le temps d’accès au praticien et le recours aux soins des habitants par classe d’âge pour tenir compte de leurs besoins différenciés. La population touristique dans les stations n’est pas prise en compte dans le calcul de l’APL dans la mesure où l’activité saisonnière, limitée au cours de l’année, ne justifie pas les incitations au maintien et l’installation de médecins à l’année. En effet, les nouveaux médecins pourraient pâtir d’un manque de patientèle hors saison, et l’objectif de cette politique publique est de concentrer les aides à l’installation dans les territoires les plus en difficultés en termes de démographie médicale, sans exclure bien sûr la possibilité par ailleurs de mise en place de dispositifs adaptés à l’activité saisonnière. La problématique de l’éloignement des centres urbains a en outre constitué une préoccupation centrale lors des concertations. C’est pourquoi le territoire de vie-santé a été retenu comme la maille de référence du zonage des médecins. Les territoires de vie-santé sont construits autour d’un pôle d’attractivité et en fonction de l’accès aux équipements et aux services les plus fréquents au quotidien pour la population. Cette maille permet ainsi de refléter l’organisation de l’activité et des déplacements courants sur un territoire à une échelle supra-communale. À partir des résultats APL de chaque territoire de vie-santé, complétés par des critères complémentaires si elles le souhaitent, les ARS déterminent les zones d’intervention prioritaire éligibles à toutes les aides, dont les aides de l’assurance maladie, ainsi que les zones d’action complémentaire éligibles aux aides régionales, aux contrats d’engagement de service public et aux aides des collectivités territoriales. Les zones non retenues au sein du zonage pourront quant à elles bénéficier d’autres mesures d’accompagnement de la part des ARS, non liées cette fois au critère de fragilité d’une zone, ou être sélectionnées pour certaines d’entre elles dans le cadre de la marge d’adaptation des ARS prévue dans l’arrêté du 13 novembre 2017. À noter que l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes bénéficie en sus d’une marge de souplesse supplémentaire pour la détermination des zones dans le cadre du décret n° 2017-1862 du 29 décembre 2017 relatif à l’expérimentation territoriale d’un droit de dérogation reconnu au directeur général de l’ARS. Ainsi, cette nouvelle méthodologie concilie l’expression de priorités nationales et régionales pour réduire les inégalités d’accès aux soins, tout en préservant des leviers d’intervention pour l’ARS dans l’ensemble du territoire régional. L’égal accès aux soins constituant une priorité du Gouvernement, celui-ci a présenté le 13 octobre 2017 son plan pour renforcer l’accès territorial aux soins qui met en place d’autres solutions innovantes et adaptables à chaque territoire. Cet objectif a été rappelé par le Premier ministre le 13 février 2018.