Difficultés d’accès des entreprises de la filière béton aux zones à faibles émissions (ZFE).

Question Écrite n° 06072 adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Madame Martine Berthet attire l’attention de Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les difficultés que pose la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE) pour les entreprises de la filière béton.

En effet, les entreprises de ce secteur sont confrontées à des réglementations très variables selon les cas, qui compliquent exagérément la livraison sur les chantiers situés dans les ZFE. Or, l’organisation particulière qui est celle d’un chantier nécessite un accès aux centres-villes à tout moment de la journée et de la semaine. Pour le moment, les livraisons de béton ne peuvent se faire autrement qu’avec des camions pour lesquels il n’existe pas de moyen de substitution pour le transport du dernier kilomètre. Notons ici que les limitations de tonnage en centre-ville contraignent de plus en plus ces livraisons et imposent aux camions de longs contournements routiers, source d’émissions de CO2 supplémentaires.

Pourtant, les professionnels de la filière avaient très tôt alerté sur le fait que les technologies et les infrastructures nécessaires à la décarbonation du secteur n’étaient pas encore disponibles et ne bénéficiaient pas d’un véritable développement industriel. Ils avaient également insisté sur la nécessité d’inscrire dans la loi des dérogations aux exigences des ZFE qui prendraient en compte d’une part, la disponibilité de solutions de livraison décarbonée sur les catalogues des constructeurs, et d’autre part, la spécificité des contraintes propres aux livraisons sur les chantiers. Il est regrettable que ces propositions n’aient pas été retenues car aujourd’hui, la situation n’est pas tenable.

Aussi, Madame Martine Berthet souhaite savoir quelles dispositions le Gouvernement compte prendre pour faciliter l’activité des entreprises de la filière Béton dans les ZFE et les accompagner dans leur démarche de décarbonation.

Réponse de M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports:

Les zones à faibles émissions mobilité (ZFE) sont un outil aux mains des collectivités pour améliorer la qualité de l’air. La mise en place des ZFE répond à une nécessité de protection de la santé publique. Elles ont pour vocation de préserver la santé des habitants en ciblant les polluants atmosphériques émis par les véhicules, tels que les oxydes d’azote et les particules. En effet, le secteur des transports est responsable de la majeure partie des émissions d’oxydes d’azote (NOx) et d’un quart des émissions de particules PM10. D’après Santé Publique France, plus de 40 000 décès sont imputables chaque année à la pollution atmosphérique. Le coût annuel pour la société française de la pollution de l’air en France est estimé à 100 milliards d’euros (Sénat, 2015).

Parmi les territoires devant mettre en place une zone à faibles émissions mobilité, seules les agglomérations qui dépassent de façon régulière les valeurs limites en matière de qualité de l’air (notamment Paris, Lyon, Marseille) sont tenues de respecter le calendrier de restriction de circulation des automobiles en fonction de leur vignette Crit’Air dans le respect des dispositions de la loi. Ce calendrier concerne les voitures mais pas les poids lourds ni les VUL. Les autres agglomérations décident, en fonction du contexte local, de la temporalité des restrictions imposées et des catégories de véhicules visées (automobiles, deux roues, poids lourds, véhicules utilitaires légers). Les échanges sont engagés avec les collectivités pour réunir les conditions favorables de déploiement des ZFE, notamment par le biais de la mise en place d’un comité ministériel de suivi des ZFE, qui a réuni pour la première fois fin octobre 2022 toutes les collectivités concernées par l’élaboration d’une ZFE. Un comité de concertation réunissant les collectivités concernées et des parties prenantes, qui a commencé ses travaux en janvier 2023, permettra par ailleurs d’établir des propositions pour harmoniser les caractéristiques des ZFE, accompagner les usagers et assurer leur acceptabilité sociale.

Le dispositif des ZFE doit s’accompagner d’un report modal, en mettant à disposition des alternatives à la voiture, et d’un développement de la mobilité douce et du verdissement du parc. Le Gouvernement a donc mis en place des aides pour accompagner les professionnels dans la transition de leur flotte de véhicules lourds. L’Etat a ouvert en mars 2022 un appel à projets dit « Ecosystème des véhicules lourds électriques » qui permet de soutenir l’acquisition de véhicules lourds électriques (jusque 100-150 000 euros/véhicule) et l’installation de bornes de recharge adaptées à leur usage. Cet appel à projet est reconduit en 2023 avec une enveloppe de 60 Meuros dont 55 Meuros réservés aux poids lourds. Au-delà de ces aides, le fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires (« Fonds vert ») comporte un axe « accompagner le déploiement des ZFE ». Il est doté d’une enveloppe de 150 Meuros et permettra de soutenir les collectivités territoriales pour mener des actions pour accélérer la création et l’évolution des ZFE, l’information et le conseil aux usagers (particuliers et entreprises) sur les ZFE, les aides et les solutions de mobilité, ainsi que le contrôle (études d’analyse préalable ou d’évaluation ex post, signalisation, contrôle sanction, numérisation des arrêtés de circulation, etc.), ou encore pour renforcer à moyen-terme les solutions de mobilité à faibles émissions et de logistique urbaine durable, et faciliter leur déploiement.

Enfin, l’article L2213-4-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que les collectivités puissent édicter des dérogations locales aux mesures de restrictions en fonction des critères qu’elles définissent au-delà des cas d’exemptions prévus au niveau national. Plusieurs collectivités prévoient notamment une dérogation triennale pour les bétonnières, camions toupies ou encore camions malaxeurs.